Edito du Curé – dimanche 28 septembre 2025

« Un grand abîme a été établi entre vous et nous »
Constat ou révélation ? Jésus met volontiers cette sentence dans la bouche d’Abraham, « serviteur fidèle de Dieu » et « notre Père dans la foi » ! Elle est, à la fois, un constat et une révélation.
D’abord c’est un constat : la demande du riche, à ce stade, se heurte à une réalité implacable, celle d’une barrière infranchissable ! La séparation entre lui et Lazare est comme une conséquence lointaine qui trouve son dénouement malheureux à ce moment précis : « alea jacta est » (le sort en est jeté), pourrait-on s’exclamer ! La prière du riche échoue sur ce Rubicon infranchissable. Parvenue à ce niveau, la prière du riche n’est véritablement plus «exauçable» à cause du grand abîme qui le sépare désormais – et pour toujours – de celui qui vivait à ses côtés sur terre et qu’il regardait sans voir. Ce constat est, pour ce riche, la résultante fatale de ce qui lui arrive au seuil de la porte du Ciel qu’il ne peut contempler que de loin. A voir la gesticulation de notre riche, ne serait-il pas conseillé de préparer notre entrée au Ciel à travers nos œuvres de miséricorde sur terre ? Un proverbe populaire ne dit-il pas : « As we make our bed, we lie down » (comme on fait son lit, on se couche) !
Ensuite comme une sentence : ces propos assez tranchants constituent en même temps des paroles d’une très grande valeur pédagogique et donc d’une révélation importante. Jésus fait cette révélation dans le cadre instructif d’une « parabole ». D’un genre allégorique, la parabole est un langage d’une haute illustration par rapport aux propos de Jésus, comme tout bon rabbin. A travers un langage rempli d’images puisées dans le quotidien, la parabole est aussi une métaphore sur un sujet bien précis, difficile à décrire autrement que par des images allusives. Généralement, le langage parabolique traite les sujets qui entourent le mystère de Dieu et son Royaume, la venue du Fils de l’homme, l’accueil et la participation de l’homme à la vie de Dieu, à la béatitude éternelle !
Et la parabole du riche et de Lazare me parait justement être une projection de Jésus sur le sort final qui sera réservé à ceux qui se ferment objectivement à la misère du pauvre, c’est-à-dire au mystère de Dieu incarné : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Dieu ne s’identifie pas forcément à la pauvreté matérielle, mais au pauvre qui reflète mieux l’image de Dieu démuni, fragile et impuissant. Dieu est personnellement atteint dans nos rejets ou nos refus de voir la misère qui frappe constamment à notre porte. Et on ne le dira jamais assez, les épreuves d’une vie humiliée configurent au Christ souffrant. La pauvreté n’est pas une vertu en soi, ni la richesse, un vice. Mais la pauvreté devient vertu que lorsqu’elle configurée au Christ qui nous enrichit de sa pauvreté. Et la richesse est essentiellement vice lorsqu’elle nous ferme sur nous-même et nous empêche de voir le pauvre, non loin de nous !
Lorsque Abraham parle de l’abîme qui a été placé entre lui et le riche, il ne prononce pas une sentence, mais il fait juste un constat et une révélation : les frontières que nous construisons pendant notre vie terrestre deviennent des fossés infranchissables dans l’Au-delà, dans notre vie auprès Dieu, notre destination finale et véritable. Le langage parabolique a cette faculté de faire des projections, des allusions et parfois des comparaisons mieux assimilables que les formules théologiques. Dans ce cas précis du riche et de Lazare, la parabole établit un lien de cause à effet entre nos actes sur terre et notre sort final. Notre agir est une préparation lointaine de notre entrée ou pas dans le Royaume de Dieu. Une vie de jouissance égoïste coupe le riche de son voisin Lazare, et donc de Dieu ! L’Enfer qui l’accueille au final est un monde sans Dieu qu’il a construit et entretenu durant sa vie sur terre.
Cette parabole est la peinture des sociétés modernes. De plus en plus, les frontières sociales s’érigent à une vitesse exponentielle. Entre la peur de l’autre, la crainte d’être envahi, les préjugées médiatiques sur celui qui vient d’ailleurs ou est tout simplement différent, les verrous sont rapidement mis sur les portes. Et ce n’est pas la mondialisation à outrance qui nivellera les barrières sociales. Quand elle arrive à baisser un monticule d’un côté, une haute montagne s’élève de l’autre côté, créant ainsi un système où les plus forts occupent l’espace au détriment des plus faibles.
Dans son chef-d’œuvre, Germinal (1885), Emile Zola faisait déjà l’écho d’une société qui se barricade, formant ainsi des monades hermétiques : la classe ouvrière représentée par « les Maheu » et la classe bourgeoise par « Deneulin » ! Nous voyons déjà les stigmates de nos sociétés à l’aurore de l’industrialisation qui deviennent de plus en plus, disait Saint Jean-Paul II, « une version gigantesque de la Parabole du riche et du pauvre Lazare » ! Notre monde n’a jamais aussi eu faim, alors qu’il produit plus qu’il n’en consomme !
Le constat est clair : le mal de notre siècle n’est pas dans la production la richesse, mais dans la juste répartition des biens. L’avidité qui engendre l’indifférence nous enferme sur nous-même, nous pousse à l’accumulation exagérée des richesses croyant y tirer le bonheur, un bonheur souvent furtif et fugitif. Au lieu d’une passerelle à établir, cette vie dans l’abondance du riche creuse plutôt un fossé entre lui et son prochain. La vraie richesse, celle qui peut nous ouvrir les portes du Ciel réside dans ce que nous offrons et non dans ce que nous avons amassé. La joie profonde et pérenne est dans la vie donnée, celle de notre cœur ouvert et disponible à être à l’écoute du prochain qui me traduit le visage de Dieu à aimer et à servir. Le bon combat de la foi se joue dans cette posture nouvelle qui nait d’une identité, celle de la charité du Christ qui nous presse, transcende les abîmes et bâtit les ponts pour un croisement de regard renouvelé pour Lui, avec Lui et en Lui.
Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé
Publié le 25 septembre 2025
Edito du Curé – dimanche 28 septembre 2025
« Un grand abîme a été établi entre vous et nous »
Constat ou révélation ? Jésus met volontiers cette sentence dans la bouche d’Abraham, « serviteur fidèle de Dieu » et « notre Père dans la foi » ! Elle est, à la fois, un constat et une révélation.
D’abord c’est un constat : la demande du riche, à ce stade, se heurte à une réalité implacable, celle d’une barrière infranchissable ! La séparation entre lui et Lazare est comme une conséquence lointaine qui trouve son dénouement malheureux à ce moment précis : « alea jacta est » (le sort en est jeté), pourrait-on s’exclamer ! La prière du riche échoue sur ce Rubicon infranchissable. Parvenue à ce niveau, la prière du riche n’est véritablement plus «exauçable» à cause du grand abîme qui le sépare désormais – et pour toujours – de celui qui vivait à ses côtés sur terre et qu’il regardait sans voir. Ce constat est, pour ce riche, la résultante fatale de ce qui lui arrive au seuil de la porte du Ciel qu’il ne peut contempler que de loin. A voir la gesticulation de notre riche, ne serait-il pas conseillé de préparer notre entrée au Ciel à travers nos œuvres de miséricorde sur terre ? Un proverbe populaire ne dit-il pas : « As we make our bed, we lie down » (comme on fait son lit, on se couche) !
Ensuite comme une sentence : ces propos assez tranchants constituent en même temps des paroles d’une très grande valeur pédagogique et donc d’une révélation importante. Jésus fait cette révélation dans le cadre instructif d’une « parabole ». D’un genre allégorique, la parabole est un langage d’une haute illustration par rapport aux propos de Jésus, comme tout bon rabbin. A travers un langage rempli d’images puisées dans le quotidien, la parabole est aussi une métaphore sur un sujet bien précis, difficile à décrire autrement que par des images allusives. Généralement, le langage parabolique traite les sujets qui entourent le mystère de Dieu et son Royaume, la venue du Fils de l’homme, l’accueil et la participation de l’homme à la vie de Dieu, à la béatitude éternelle !
Et la parabole du riche et de Lazare me parait justement être une projection de Jésus sur le sort final qui sera réservé à ceux qui se ferment objectivement à la misère du pauvre, c’est-à-dire au mystère de Dieu incarné : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Dieu ne s’identifie pas forcément à la pauvreté matérielle, mais au pauvre qui reflète mieux l’image de Dieu démuni, fragile et impuissant. Dieu est personnellement atteint dans nos rejets ou nos refus de voir la misère qui frappe constamment à notre porte. Et on ne le dira jamais assez, les épreuves d’une vie humiliée configurent au Christ souffrant. La pauvreté n’est pas une vertu en soi, ni la richesse, un vice. Mais la pauvreté devient vertu que lorsqu’elle configurée au Christ qui nous enrichit de sa pauvreté. Et la richesse est essentiellement vice lorsqu’elle nous ferme sur nous-même et nous empêche de voir le pauvre, non loin de nous !
Lorsque Abraham parle de l’abîme qui a été placé entre lui et le riche, il ne prononce pas une sentence, mais il fait juste un constat et une révélation : les frontières que nous construisons pendant notre vie terrestre deviennent des fossés infranchissables dans l’Au-delà, dans notre vie auprès Dieu, notre destination finale et véritable. Le langage parabolique a cette faculté de faire des projections, des allusions et parfois des comparaisons mieux assimilables que les formules théologiques. Dans ce cas précis du riche et de Lazare, la parabole établit un lien de cause à effet entre nos actes sur terre et notre sort final. Notre agir est une préparation lointaine de notre entrée ou pas dans le Royaume de Dieu. Une vie de jouissance égoïste coupe le riche de son voisin Lazare, et donc de Dieu ! L’Enfer qui l’accueille au final est un monde sans Dieu qu’il a construit et entretenu durant sa vie sur terre.
Cette parabole est la peinture des sociétés modernes. De plus en plus, les frontières sociales s’érigent à une vitesse exponentielle. Entre la peur de l’autre, la crainte d’être envahi, les préjugées médiatiques sur celui qui vient d’ailleurs ou est tout simplement différent, les verrous sont rapidement mis sur les portes. Et ce n’est pas la mondialisation à outrance qui nivellera les barrières sociales. Quand elle arrive à baisser un monticule d’un côté, une haute montagne s’élève de l’autre côté, créant ainsi un système où les plus forts occupent l’espace au détriment des plus faibles.
Dans son chef-d’œuvre, Germinal (1885), Emile Zola faisait déjà l’écho d’une société qui se barricade, formant ainsi des monades hermétiques : la classe ouvrière représentée par « les Maheu » et la classe bourgeoise par « Deneulin » ! Nous voyons déjà les stigmates de nos sociétés à l’aurore de l’industrialisation qui deviennent de plus en plus, disait Saint Jean-Paul II, « une version gigantesque de la Parabole du riche et du pauvre Lazare » ! Notre monde n’a jamais aussi eu faim, alors qu’il produit plus qu’il n’en consomme !
Le constat est clair : le mal de notre siècle n’est pas dans la production la richesse, mais dans la juste répartition des biens. L’avidité qui engendre l’indifférence nous enferme sur nous-même, nous pousse à l’accumulation exagérée des richesses croyant y tirer le bonheur, un bonheur souvent furtif et fugitif. Au lieu d’une passerelle à établir, cette vie dans l’abondance du riche creuse plutôt un fossé entre lui et son prochain. La vraie richesse, celle qui peut nous ouvrir les portes du Ciel réside dans ce que nous offrons et non dans ce que nous avons amassé. La joie profonde et pérenne est dans la vie donnée, celle de notre cœur ouvert et disponible à être à l’écoute du prochain qui me traduit le visage de Dieu à aimer et à servir. Le bon combat de la foi se joue dans cette posture nouvelle qui nait d’une identité, celle de la charité du Christ qui nous presse, transcende les abîmes et bâtit les ponts pour un croisement de regard renouvelé pour Lui, avec Lui et en Lui.
Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé
Publié le 25 septembre 2025
Edito du Curé – dimanche 28 septembre 2025

« Un grand abîme a été établi entre vous et nous »
Constat ou révélation ? Jésus met volontiers cette sentence dans la bouche d’Abraham, « serviteur fidèle de Dieu » et « notre Père dans la foi » ! Elle est, à la fois, un constat et une révélation.
D’abord c’est un constat : la demande du riche, à ce stade, se heurte à une réalité implacable, celle d’une barrière infranchissable ! La séparation entre lui et Lazare est comme une conséquence lointaine qui trouve son dénouement malheureux à ce moment précis : « alea jacta est » (le sort en est jeté), pourrait-on s’exclamer ! La prière du riche échoue sur ce Rubicon infranchissable. Parvenue à ce niveau, la prière du riche n’est véritablement plus «exauçable» à cause du grand abîme qui le sépare désormais – et pour toujours – de celui qui vivait à ses côtés sur terre et qu’il regardait sans voir. Ce constat est, pour ce riche, la résultante fatale de ce qui lui arrive au seuil de la porte du Ciel qu’il ne peut contempler que de loin. A voir la gesticulation de notre riche, ne serait-il pas conseillé de préparer notre entrée au Ciel à travers nos œuvres de miséricorde sur terre ? Un proverbe populaire ne dit-il pas : « As we make our bed, we lie down » (comme on fait son lit, on se couche) !
Ensuite comme une sentence : ces propos assez tranchants constituent en même temps des paroles d’une très grande valeur pédagogique et donc d’une révélation importante. Jésus fait cette révélation dans le cadre instructif d’une « parabole ». D’un genre allégorique, la parabole est un langage d’une haute illustration par rapport aux propos de Jésus, comme tout bon rabbin. A travers un langage rempli d’images puisées dans le quotidien, la parabole est aussi une métaphore sur un sujet bien précis, difficile à décrire autrement que par des images allusives. Généralement, le langage parabolique traite les sujets qui entourent le mystère de Dieu et son Royaume, la venue du Fils de l’homme, l’accueil et la participation de l’homme à la vie de Dieu, à la béatitude éternelle !
Et la parabole du riche et de Lazare me parait justement être une projection de Jésus sur le sort final qui sera réservé à ceux qui se ferment objectivement à la misère du pauvre, c’est-à-dire au mystère de Dieu incarné : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40). Dieu ne s’identifie pas forcément à la pauvreté matérielle, mais au pauvre qui reflète mieux l’image de Dieu démuni, fragile et impuissant. Dieu est personnellement atteint dans nos rejets ou nos refus de voir la misère qui frappe constamment à notre porte. Et on ne le dira jamais assez, les épreuves d’une vie humiliée configurent au Christ souffrant. La pauvreté n’est pas une vertu en soi, ni la richesse, un vice. Mais la pauvreté devient vertu que lorsqu’elle configurée au Christ qui nous enrichit de sa pauvreté. Et la richesse est essentiellement vice lorsqu’elle nous ferme sur nous-même et nous empêche de voir le pauvre, non loin de nous !
Lorsque Abraham parle de l’abîme qui a été placé entre lui et le riche, il ne prononce pas une sentence, mais il fait juste un constat et une révélation : les frontières que nous construisons pendant notre vie terrestre deviennent des fossés infranchissables dans l’Au-delà, dans notre vie auprès Dieu, notre destination finale et véritable. Le langage parabolique a cette faculté de faire des projections, des allusions et parfois des comparaisons mieux assimilables que les formules théologiques. Dans ce cas précis du riche et de Lazare, la parabole établit un lien de cause à effet entre nos actes sur terre et notre sort final. Notre agir est une préparation lointaine de notre entrée ou pas dans le Royaume de Dieu. Une vie de jouissance égoïste coupe le riche de son voisin Lazare, et donc de Dieu ! L’Enfer qui l’accueille au final est un monde sans Dieu qu’il a construit et entretenu durant sa vie sur terre.
Cette parabole est la peinture des sociétés modernes. De plus en plus, les frontières sociales s’érigent à une vitesse exponentielle. Entre la peur de l’autre, la crainte d’être envahi, les préjugées médiatiques sur celui qui vient d’ailleurs ou est tout simplement différent, les verrous sont rapidement mis sur les portes. Et ce n’est pas la mondialisation à outrance qui nivellera les barrières sociales. Quand elle arrive à baisser un monticule d’un côté, une haute montagne s’élève de l’autre côté, créant ainsi un système où les plus forts occupent l’espace au détriment des plus faibles.
Dans son chef-d’œuvre, Germinal (1885), Emile Zola faisait déjà l’écho d’une société qui se barricade, formant ainsi des monades hermétiques : la classe ouvrière représentée par « les Maheu » et la classe bourgeoise par « Deneulin » ! Nous voyons déjà les stigmates de nos sociétés à l’aurore de l’industrialisation qui deviennent de plus en plus, disait Saint Jean-Paul II, « une version gigantesque de la Parabole du riche et du pauvre Lazare » ! Notre monde n’a jamais aussi eu faim, alors qu’il produit plus qu’il n’en consomme !
Le constat est clair : le mal de notre siècle n’est pas dans la production la richesse, mais dans la juste répartition des biens. L’avidité qui engendre l’indifférence nous enferme sur nous-même, nous pousse à l’accumulation exagérée des richesses croyant y tirer le bonheur, un bonheur souvent furtif et fugitif. Au lieu d’une passerelle à établir, cette vie dans l’abondance du riche creuse plutôt un fossé entre lui et son prochain. La vraie richesse, celle qui peut nous ouvrir les portes du Ciel réside dans ce que nous offrons et non dans ce que nous avons amassé. La joie profonde et pérenne est dans la vie donnée, celle de notre cœur ouvert et disponible à être à l’écoute du prochain qui me traduit le visage de Dieu à aimer et à servir. Le bon combat de la foi se joue dans cette posture nouvelle qui nait d’une identité, celle de la charité du Christ qui nous presse, transcende les abîmes et bâtit les ponts pour un croisement de regard renouvelé pour Lui, avec Lui et en Lui.
Père DIEUDONNE MASSOMA, Curé
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Publié le 25 septembre 2025